Un singe en hiver

MICHEL MAGNE — 1962

Au début des années soixante, Michel Magne est déjà un nom reconnu mais il porte encore une étiquette « rive gauche », certainement à cause de ses musiques d’avant-gardes (« Musiques Tachistes »), ses collaborations avec Françoise Sagan, ainsi que sa mise en musique de textes de Jacques Prévert, Charles Péguy et Bernard Dimey pour le magnifiquement christique, « La mort d’un homme (chemin de croix) » (sur Barclay en 1961). La donne change soudain avec ses compositions pour le film « Gigot », réalisé par Gene Kelly avec Jackie Gleason, le roi de la « mood music », redécouvert aujourd’hui grâce à des personnalités telles que Joseph Lanza et Boyd Rice.

À la nomination des Oscars, le nom de Michel Magne est cité ; ce qui lui ouvre les portes d’Hollywood, mais peu enthousiasmé à l’idée de devenir un californien, il préfère rester à Paris. C’est ainsi qu’auréolé de sa nouvelle gloire, un cinéma plus « grand public » lui fait les yeux doux. À commencer par Henri Verneuil pour « UN SINGE EN HIVER » avec en vedette rien de moins que le plus grand nom de l’époque, Jean Gabin et un « jeune qui monte », Jean-Paul Belmondo. Quel cinéma populaire n’avons-nous pas là ! avec des dialogues d’Audiard d’après un roman d’Antoine Blondin. Une « qualité française » que n’appréciaient pas les tenants de la nouvelle vague sous emprise idéologique. Alors que ce « cinéma de papa » n’est rien de moins que le reflet d’un certain esprit de fronde gauloise, à la fois farouchement individualiste et qui, revenu de toutes les idéologies, n’a pas envie à l’instar de la chanson de Brassens de « mourir pour des idées ».

La musique de Magne reflète les dérives nostalgiques d’Albert Quentin (Jean Gabin) qui après une jeunesse aventureuse passée sur le Yang-Tse-Kiang, vit « rangé des voitures » avec sa femme Suzanne (Suzanne Flon) rencontrée à la Bourboule et qui s’occupe de la destinée de l’hôtel Stella à Tigreville (en réalité Villerville dans le Calvados normand), et de Gabriel Fouquet (Jean-Paul Belmondo) jeune publicitaire qui a brisé son cœur à Madrid. Tout le génie de Magne se situe dans l’évocation de l’Espagne ou de la Chine, non pas telles qu’elles l’étaient à l’époque, mais telles que se les représentent ces deux protagonistes qui n’ont pas « le petit vin, ni la cuite mesquine ». Deux rêveurs qui s’offrent une « parenthèse enchantée » qui, « o tempora, o mores » n’ont pas à se soucier des antispécistes (apologie de la tauromachie), des concepts de réappropriation culturelle (Chine et Espagne de carte postale) et de loi Évin (saoulographie élevée au rang des beaux-arts). Voilà un bien bel album que vous pourrez vous repasser chaque fois que des bien-pensants s’en prendront à vos libertés fondamentales.

UN SINGE EN HIVER – Michel Magne (1962)
French Cinema Soundtrack – PCR049 — OUT sept 3rd 2021
Vinyl Limited Edition


Side A
1. Un Singe en Hiver
2. Yang-Tse-Kiang
3. Corrida Ethylique
4. China Jazz Hot

Side B
6. Pekin-Buenos Aires
7. L’Amitié
8. Sol de Espana
9. L’Adieu (final)

Texte : Jean-Emmanuel Deluxe
Artwork : Albert S. Rivera
Réalisation : Alexis Kacimi

Comment pouvons-nous
vous aider ?

Comment pouvons-nous vous aider ?